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Devoir de vigilance : quelles pistes pour le projet européen ?

Affaires - Pénal des affaires
05/01/2022
Un rapport d’information relatif au devoir de vigilance des multinationales, destiné à « compléter » et « préfacer » la proposition de résolution européenne visant à encourager l’adoption d’une législation au niveau européen, dresse plusieurs pistes d’amélioration.
Le devoir de vigilance, priorité de la Présidence française de l’Union européenne
 
Pourtant inscrit parmi les priorités de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (qui s’exerce depuis le 1er janvier dernier), le projet de directive sur le devoir de vigilance vient de subir un nouvel ajournement et ne figure désormais plus au calendrier de la Commission européenne.
 
En attendant la prochaine échéance, pour laquelle la fin mars 2022 est évoquée, Dominique Potier et Mireille Clapot proposent, au sein d’un rapport d’information, plusieurs pistes afin d’améliorer la future proposition de résolution européenne visant à inscrire parmi les priorités de la Présidence française de l’Union européenne l’adoption d’une législation ambitieuse sur le devoir des multinationales, n° 4810.
 
Critères d’assujettissement, seuils, voies de recours… les propositions pour une future directive
 
La première proposition porte sur l’inclusion des risques environnementaux à côté des droits humains, compte tenu, selon les rapporteurs, de l’urgence écologique.
 
La deuxième proposition se focalise sur le périmètre des entreprises concernées par le devoir de vigilance : cette question de condition d’application du devoir de vigilance est d’autant plus cruciale que les législations nationales disposant d’un devoir de vigilance ne s’accordent ni sur les critères, ni sur les seuils.
 
Aussi les rapporteurs proposent-ils de développer des critères multiples, possiblement inspirés du droit européen de la concurrence, et qui ne soient pas limités aux seuls effectifs des groupes. Parmi les critères évoqués pour assujettir une entreprise au devoir de vigilance sont ainsi retenus le chiffre d’affaires réalisé en Europe, ou encore le pouvoir de marché des entreprises – ces critères alternatifs permettraient de ne pas tenir compte du siège de l’entreprise, et donc de cibler de manière équitable les entreprises européennes et celles domiciliées dans des pays tiers mais opérant sur le marché intérieur.
 
Concernant les seuils d’application du devoir de vigilance, les rapporteurs sont d’avis de s’inspirer de la loi allemande (3000 salariés dès l’entrée en vigueur de la loi en 2023, puis 1000 salariés en 2024) plutôt que de la loi française, et d’engager un débat sur l’opportunité de décliner le devoir de vigilance avec des seuils abaissés, ou d’une application sans seuil pour les secteurs identifiés comme présentant le plus de risques.
 
Pour inciter les sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à mieux connaitre l’ensemble de leurs fournisseurs indirects, la cinquième proposition met en avant une obligation de vigilance consistant à identifier et traiter les risques sur l’ensemble de la chaine de valeur lorsqu’une relation commerciale est établie, sans se limiter aux premiers rangs des fournisseurs et sous-traitants.
 
Enfin, les rapporteurs se sont également intéressés à l’existence de recours effectifs : leur proposition n° 6 prévoit, pour le futur devoir de vigilance, de privilégier la voie du recours judiciaire afin de permettre aux victimes d’obtenir réparation des préjudices causés par les manquements d’une entreprise à son devoir de vigilance via la responsabilité civile de ladite entreprise. Il est également envisagé de créer des autorités administratives compétentes en matière de devoir de vigilance au niveau européen, de manière complémentaire à la voie de recours judiciaire.
Enfin, la huitième et dernière proposition suggère d'instituer un réseau européen d'autorités administratives nationales, portant une véritable politique publique de prévention.

Pour aller plus loin, voir le Lamy droit pénal des affaires, n° 5327.
Source : Actualités du droit