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Présidentielle 2017 – Emmanuel Macron, candidat d'En Marche ! : « Rendre la justice plus lisible et plus accessible »

Pénal - Vie judiciaire
20/04/2017
Création d'un service public numérique de la justice, réforme du financement de l’aide juridictionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, amélioration de la prise en charge des mineurs délinquants… Le candidat d'En Marche ! détaille, pour Actualités du droit, ses propositions en matière de justice.
Actualités du droit : Quels moyens et quelles solutions comptez-vous mettre en oeuvre pour améliorer le fonctionnement de la Justice ?

Emmanuel Macron : Comme nous l’avons exposé dans notre programme pour la justice, notre première volonté est de rendre la justice plus lisible. C’est pourquoi nous avons prévu de simplifier les procédures en unifiant les modes de saisine. Nous voulons aussi que la justice soit plus accessible. Nous créerons donc un service public numérique de la justice, avec un portail unique d’accès sur le modèle de « impots.gouv.fr ». Les citoyens et leurs avocats y trouveront toutes les informations pratiques. Ils pourront se pourvoir en justice depuis leur ordinateur, transmettre une requête, des pièces, ou suivre leur dossier depuis leur smartphone, en première instance comme en appel et en cassation. Nous sommes favorables aux initiatives des parties dans le déroulement de la procédure, mais attachés à garantir que la justice soit rendue dans des délais décents. Nous pensons par conséquent qu’il est indispensable que la mise en état soit encadrée dans des délais stricts, ce qui ne nous paraît pas incompatible avec un large champ d’initiatives. Les juges pourront également poser des questions aux parties, solliciter la production de pièces, en amont de l’audience. Nous voulons que la mise en état soit interactive.
En matière pénale également, la procédure sera localisée numériquement en un seul endroit, avec droits d’accès conformes au code de procédure pénale. Dès la plainte ou les premières constatations, la procédure sera construite sous un format numérique. La transmission au parquet et au juge se concrétisera par des ouvertures et des fermetures de droits d’accès à la procédure numérique. Ainsi, selon l’orientation de la procédure, les procureurs et membres du parquet, les juges d’instruction, les présidents des tribunaux correctionnels et les juridictions d’appel ou de cassation auront accès au dossier et seront en charge des droits. Les avocats auront ainsi pleinement accès aux procédures numériques, dans le respect du code de procédure pénale. Ce système devrait permettre également de mettre en place une mise en état numérique des procédures correctionnelles.

AdD : Depuis plusieurs années déjà, les avocats, entre autres, demandent à ce que l’aide juridictionnelle soit réformée : financement, revalorisation des unités de valeur, bénéficiaires… Quelles sont vos propositions pour améliorer ce dispositif, gage d’accès à la justice pour de nombreux citoyens ?

E. M. : La question du financement se pose effectivement et nous préconisons une évolution vers une source de financement complémentaire. On pourrait songer à l’assurance juridique, dont les modalités restent à préciser. Les justiciables souscriraient une assurance de protection juridique qui viendrait se substituer ou compléter la prise en charge par l’aide juridictionnelle. État, ordres et assurances travailleraient de concert pour assurer une meilleure gestion du financement et de la mise en oeuvre de l’aide juridictionnelle.
L’avocat doit être mieux indemnisé et le système simplifié pour les justiciables, notamment par la dématérialisation en ligne des demandes. Chaque barreau pourrait se voir allouer un budget aux fins de mettre en place un service d’aide juridictionnelle constitué d’avocats affiliés par un contrat de collaboration ou de travail aux ordres, réunissant avocats juniors et expérimentés, en plus du système actuel. Ceci permettrait à de jeunes avocats de se former efficacement et à des avocats expérimentés de transmettre leur savoir, tout en bénéficiant d’une rémunération fixe.

AdD : Comptez-vous réformer le Conseil supérieur de la magistrature de manière à garantir l’indépendance des magistrats du parquet vis-à-vis de l’exécutif ?

E. M. : Nous garantirons l’indépendance de la justice. C’est pourquoi nous voulons asseoir la place de l’autorité judiciaire dans les institutions, et ferons adopter une révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature. En 2013, le gouvernement a proposé de réviser la Constitution pour modifier la composition du CSM. Nous pensons qu’un consensus équilibré peut être trouvé sur la base du texte adopté par l'Assemblée nationale le 4 juin 2013. Les nominations des membres du parquet seront ainsi alignées sur celles des magistrats du siège par la généralisation de l’avis conforme. Enfin, nous souhaitons consolider l’interdiction faite au ministre de la Justice de donner des instructions dans les affaires individuelles. 

AdD : Quelles mesures prévoyez-vous de mettre en place pour réduire la population carcérale et mieux prévenir la récidive, plus particulièrement des jeunes délinquants ?

E. M. : Notre réforme pénale est fondée sur le constat selon lequel la population carcérale augmente continuellement alors que l’insécurité et la récidive ne diminuent pas. C’est pourquoi nous proposons de contraventionnaliser certains délits et d’investir dans les alternatives à l’incarcération pour les personnes condamnées, si le profil du condamné le permet (travaux d'intérêt général notamment). Pour autant, l’incarcération peut rester la mesure la plus adéquate pour certaines personnes poursuivies ou condamnées et nous devons prendre en compte les multiples condamnations dont la France a fait l’objet par le Cour européenne des droits de l’Homme. C’est pourquoi nous proposons de poursuivre le plan Urvoas pour que 15 000 places supplémentaires soient créées afin que nos prisons puissent enfin renouer avec la dignité des détenus.
L’objectif est in fine que 80% des détenus au moins soient en cellule individuelle. Nous nous engageons à ce que ces places supplémentaires ne viennent pas accueillir une nouvelle population carcérale, sinon c’est le tonneau des Danaïdes et nous ne viendrons jamais à bout de la surpopulation. Nous devons également revenir à des établissements à taille humaine, dans lesquels il soit possible d’organiser un parcours de détention, des activités, du travail. Nous rénoverons les bâtiments pénitentiaires anciens pour qu’ils soient aux normes d’habitat décent. Nous remplacerons nombre pour nombre ceux qui ne pourront être rénovés.
S’agissant des jeunes particulièrement, l’enjeu lié à la justice des mineurs est une de nos grandes priorités car c’est là que se joue l’avenir des enfants en difficulté. Les mineurs sont des êtres en devenir. Il n’est pas question de baisser les bras et de les laisser entrer dans la délinquance. Nous voulons maintenir la double vocation du juge des enfants, à la fois juge de la protection du mineur et juge pénal, en lui donnant les moyens de mener à bien sa mission. Aujourd’hui, le juge des enfants se heurte avant tout au manque matériel de solutions de placements des mineurs. C’est pourquoi nous encouragerons auprès des conseils généraux le placement des mineurs non délinquants en assistance éducative dans les internats des collèges et des lycées avec un suivi renforcé. Si l’intégration auprès des autres collégiens et lycéens s’avère impossible, le mineur sera alors placé dans un foyer éducatif avec scolarisation à l’extérieur. Dans les cas où la délinquance est malheureusement installée, le mineur sera placé dans un centre éducatif « fermé », c’est-à-dire que la scolarisation ainsi que les formations auront lieu dans le centre et que les sorties seront strictement contrôlées et soumises à autorisation. Notre objectif est de mettre à disposition une centaine de centres éducatifs fermés (il en existe 56 aujourd’hui), efficacement répartis sur le territoire. Les mineurs criminels ou dangereux condamnés iront en établissement pénitentiaire pour mineurs.
Enfin, nous mettrons en place des programmes d’aide aux parents de mineurs en difficulté (groupes de paroles, conseils à l’éducation, aide à l’apprentissage du français pour les parents immigrés) dans les établissements scolaires. Les parents doivent être associés à la prise en charge efficace de leurs enfants et non pas sanctionnés.  

Propos recueillis par Stéphanie Pourtau
Source : Actualités du droit