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Cause étrangère prorogeant le délai d’appel dans les procédures sans représentation obligatoire

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
28/05/2018
La Cour de cassation se prononce l’incidence du dysfonctionnement du RPVA sur la recevabilité d’un appel formé hors délai en matière sociale, à l’époque où la représentation devant la chambre sociale n’était pas obligatoire.
Dans le cadre d’un litige l’opposant à son employeur, une femme saisit, le 15 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand. Le 19 décembre 2015, la juridiction ne fait que partiellement droit à ses demandes, la décision étant notiifée le 22 octobre 2015. La demanderesse interjette appel (limité) le 24 novembre 2015. La société employeur soulève in limine litis l’irrecevabilité du recours, en raison de sa tardiveté. L’appelante fait valoir une panne du RPVA, qui l’aurait empêchée d’exercer son recours dans les temps, c’est-à-dire dans un délai d’un mois (C. trav., art. R. 1461-1), soit avant le dimanche 22 novembre 2015, prorogé au lundi 23 novembre (CPC, art. 642). La cour d’appel de Riom (CA Riom, 24 mai 2016, RG n° 15/03033) déclare l’appel irrecevable et la salariée forme un pourvoi en cassation.

Les magistrats riomois se fondent sur l’article R. 1461-1 du Code du travail, dans sa version applicable à l’époque des faits. Rappelons en effet qu’avant le décret du 20 mai 2016 (D. n° 2016-660, 20 mai 2019, JO 25 mai), la procédure applicable devant la chambre sociale de la cour d’appel se déroulait sans représentation obligatoire. L'appel devait être formé par une déclaration de la partie ou tout mandataire faite ou adressée par lettre recommandée au greffe de la cour. Mais dans ce type de procédure, il était également possible de recourir à la transmission électronique des actes de procédure selon les modalités définies aux articles 748-1 et suivants du Code de procédure civile, applicables devant toutes les juridictions judiciaires statuant notamment en matière sociale (CPC, art. 749 ; Cass. soc., 18 janv. 2017, n° 14-29.013, à paraître).

Il était donc possible, en l’espèce, de recourir au RPVA, mais uniquement de manière facultative. Dès lors, non sans une certaine sévérité, la cour d’appel de Riom estime que l’appelante ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l’article 748-7  du Code de procédure civile, qui permettent de proroger le délai pour agir en cas de cause étrangère, qui ne sont applicables que dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire.
La difficulté était donc de déterminer si, d’une part, les dispositions précitées relatives à la cause étrangère étaient ou non applicable dans le cadre d’une procédure sans représentation obligatoire et si, d’autre part, le dysfonctionnement du RPVA est ou non une cause étrangère justifiant la prorogation du délai pour agir.

Au visa des articles 748-7 et 749 du Code de procédure civile, la Cour de cassation statue sur la question du champ d’application du premier de ces textes, en en rappelant les dispositions : « lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ». En considérant que le texte ne s’appliquait pas en dehors des procédures avec représentation obligatoire et que le dysfonctionnement du RPVA ne constituait pas une cause étrangère, la cour d’appel s’est prononcée « par des motifs inopérants au regard du domaine d'application de l'article 748-7  susvisé et des conditions posées par ce texte ».

La prorogation du délai pour agir en cas de dysfonctionnement du RPVA est donc admise dans son principe. Il conviendra néanmoins de veiller au fait que pour les appels formés depuis le 1er août 2016, la représentation des parties est obligatoire devant la chambre sociale de la cour d'appel et que, dans ce cadre, la transmission des actes par voie électronique est obligatoire lorsque la partie est représentée par un avocat (CPC, art. 930-1, mod. par D. n° 2017-891, 6 mai 2017, JO 10 mai).

À lire aussi : Absence d’accès au RPVA : pas de cause étrangère justifiant l’expédition par voie postale, Note sous CA Paris, 25 oct. 2017, n° RG : 17/02055, Actualité du 17 nov. 2017
Source : Actualités du droit